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suivre ce blog administration connexion + créer mon blog 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 50 60 70 > >> 3 juillet 2018 2 03 / 07 / juillet / 2018 00:00 de la navigation égyptienne - 7. modèle d'embarcation (inv. e 32566) " prenez un jeune homme de fortune modeste, de goûts artistes, assis dans la salle à manger au moment banal et triste où on vient de finir de déjeuner et où la table n'est pas encore complètement desservie. l'imagination pleine de la gloire des musées, des cathédrales, de la mer, des montagnes, c'est avec malaise et avec ennui, avec une sensation proche de l’écœurement, un sentiment voisin du spleen, qu'il voit un dernier couteau traîner sur la nappe à demi relevée qui pend jusqu'à terre, à côté d'un reste de côtelette saignant et fade. sur le buffet un peu de soleil, en touchant gaiement le verre d'eau que des lèvres désaltérées ont laissé presque plein, accentue cruellement, comme un rire ironique, la banalité traditionnelle de ce spectacle inesthétique. (...) il maudit cette laideur ambiante, et honteux d'être resté un quart d'heure à en éprouver, non pas la honte, mais le dégoût et comme la fascination, il se lève et, s'il ne peut pas prendre le train pour la hollande ou l'italie, va chercher au louvre des visions de palais à la véronèse, de princes à la van dyck, des ports à la claude lorrain, que, ce soir, viendra de nouveau ternir et exaspérer le retour dans leur cadre familier des scènes journalières." marcel proust chardin et rembrandt dans essais et articles - débuts littéraires paris, gallimard, bibliothèque de la pléiade, 2009, pp. 372-3 jamais achevé, jamais envoyé donc, c'est pourtant à cet article que le jeune marcel proust, en 1895, - il a 24 ans -, fait allusion quand il adresse à pierre minguet, directeur de la revue hebdomadaire , une lettre manuscrite figurant dans les archives de la bibliothèque nationale, à paris, commençant par ses mots : " je viens d'écrire une petite étude de philosophie de l'art, si le terme n'est pas trop prétentieux, où j'essaie de montrer comment les grands peintres nous initient à la connaissance et à l'amour du monde extérieur, comment ils sont ceux «par qui nos yeux sont déclos» et ouverts en effet sur le monde. " 1895, c'est l'année où, lors des soirées "salon du jeudi" de madame alphonse daudet, proust fait la connaissance de ses deux fils, et plus spécifiquement, lucien, de 7 ans son cadet. la correspondance qu'il reçut du "maître"et le récit de leur relation que lucien, étudiant à l'académie julian, a publiés dans un ouvrage intitulé " autour de soixante lettres de marcel proust ", lu tout dernièrement, m'a permis de découvrir cet extrait : " quelquefois, j'allais chercher marcel proust à la bibliothèque de l'institut ; (...) nous allions souvent au musée du louvre. il était un grand critique d'art. personne alors n'en savait rien. tout ce qu'il découvrait dans un tableau, à la fois picturalement et intellectuellement, était merveilleux et transmissible ; ce n'était pas une impression personnelle, arbitraire, c'était l'inoubliable vérité du tableau (...) et, de même que dans son oeuvre, rien de pédant, rien d'abstrait non plus, mais l'opération mystérieuse qui change la valeur du mot le plus courant, et en fait une formule magique ..." ah ! qu'il m'eût plu de pouvoir suivre discrètement semblable esthète dans les salles du louvre ; qu'il m'eût plu de l'entendre disserter sur chardin ou rembrandt, ou sur les chefs d'oeuvre de trois primitifs italiens, fra angelico, ucello et ghirlandajo, qu'il adorait ; et qu 'il m'agréerait aujourd'hui de lire, dans un des articles ou mélanges rédigés dans sa jeunesse, bien avant la renommée qui fut sienne, ce qu'il eût pensé de ces extraordinaires et si fragiles modèles d'embarcations antiques, présentés tels que, depuis plusieurs semaines déjà, nous les découvrons vous et moi de conserve, amis visiteurs, en cette vitrine 2 de la salle 3 du département des antiquités égyptiennes ... comme, par exemple, celui vers lequel, ce matin, je vous convie à porter un regard attentif. en effet, ne souhaitant pas plus m'attarder sur le très banal e 5539 datant comme beaucoup d'autres du moyen empire que sur ces quelques avirons rassemblés sous le même numéro d'inventaire n 1536 et que seule, administrativement, une lettre ajoutée, - a, b ou c, -, différencie les uns des autres, j'ai plutôt choisi d'évoquer ce matin cette pièce exceptionnelle datant, tout comme n 24 57 , de l'extrême fin de l' ancien empire . convenez-en, amis visiteurs, il y aura du monde aujourd'hui, assurément ! oh, certes pas autour de nous pour participer à l'ultime rendez-vous qu'égyptomusée vous a fixé avant de vous donner congé aux fins de pleinement profiter des vacances estivales loin de lui mais, comme vous le constatez, à bord ainsi que sur un socle en bois placé à côté de l'embarcation papyriforme e 32566 qui, je le souligne au passage, constitue en matière de navigation égyptienne, la dernière pièce que le musée acquit, voici déjà 20 ans, lors d'une vente proposée par un collectionneur privé. ces rameurs isolés sur ce socle, globalement semblables à leurs voisins immédiats, font partie du projet d'étude et de reconstitution envisagé par madame gersande eschenbrenner-diemer, dont vous ne pouvez plus ignorer à présent la pertinence du travail qui fut sien pour mettre en valeur les bateaux de cette vitrine. ces hommes semblent donc former un équipage homogène dont l'embarcation d'origine n'a malheureusement pas été retrouvée, raison pour laquelle le socle sur lequel ils ont été ainsi rassemblés n'a d'autre raison d'être que de vous permettre, par comparaison évidente avec e 32566 tout à côté, d'en imaginer la perspective. " pièce exceptionnelle ", avançai-je à l'instant à propos de cette barque funéraire en bois naturel recouverte de stuc jadis peint dont il ne subsiste que traces éparses, notamment par sa taille puisqu'elle mesure un mètre trente-cinq de longueur pour une largeur de seulement onze centimètres ; exceptionnelle également par son contenu humain : 29 "marins", le défunt et un autre homme, que j'évoquerai tout bientôt, ce n'est guère fréquent ni sur les maquettes traditionnelles ni au niveau des peintures ou des bas-reliefs découverts dans les mastabas de l'ancien empire ; exceptionnelle enfin par la rareté de pièces semblables au sein d'autres institutions muséales : dans la présentation qu'il en a faite, référencée dans ma bibliographie infrapaginale, l'égyptologue français dominique farout, précise, p. 29, qu'à sa connaissance, il n'en existe que deux autres exemplaires, l'un au musée du caire (1,87 mètre et 37 personnages) et dans celui de turin (33 figurines ; les dimensions du bateau n'étant toutefois pas indiquées). madame eschenbrenner, dans l'étude qu'elle a menée à bien quelques années après la parution de l'article du professeur farout, - voir à nouveau la bibliographie ci-après -, s'est pour sa part étonnée de ce nombre imposant de personnages et, après les avoir minutieusement analysés, en conclut, p. 23, que : " trop serrés les uns sur les autres, démultipliés en trop grand nombre vers la proue et la poupe, ils proviennent assurément de plusieurs modèles similaires ". car, répète-t-elle : " il était en effet courant, dans le commerce de l'art, de rendre plus attractifs les modèles en croisant différents équipages. " quoi qu'il en soit, et le gros plan réalisé par claude field vous le confirmera immédiatement, ce bateau funéraire devait contenir plus de figurants encore : apercevez-vous çà et là des trous sur le pont et des petits tourillons n'attendant que la présence d'un nouveau bonhomme qui viendrait là se ficher pour l'éternité ? autorisez-moi quelques dernières considérations pour clôturer notre rendez-vous de ce matin à propos des personnes présentes sur cette embarcation funéraire relativement fruste mais, à tout le moins pour ce qui me concerne, extrêmement émouvante. le défunt, d'abord, la taille ceinte d'un pagne blanc, assis à la poupe s